incubation des oeufs et maintenance des nouveaux nés
Températures d'incubation
Le sexe est déterminé au cours du 2ième tiers de l'incubation.
Ne pas oublier de couper l'incubateur la nuit pour que la température baisse progressivement entre 23 et 27°c environ
Les variations de température
L'incubation artificielle doit suivre les variations de température du jour et de la nuit. Si la température reste constante entre le jour et la nuit (le cycle appelé "nycthémère"), on constate que les petits nouveaux-nés ont un plastron un peu déformé, et se révèlent peu résistants en grandissant. Leur dossière peut également se déformer dans les premières années de leur vie un peu comme si la nourriture manquait de calcium ou comme si la tortue manquait de soleil, mais je remarque que la température homogène d'incubation fréquemment pratiquée semble être aussi une cause fréquente de ces dystrophies de la dossière observées plus tard dans les premières années de la tortue
La température maximale
Si la température d'incubation est trop élevée (plus de 34° chez les Testudo Ibéra) les petits qui naissent ont parfois des écailles surnuméraires sur la dossière, ou pire... naissent avec un seul oeil ou complètement aveugles, ou avec un espace cloacal très réduit du fait d'un surdéveloppement de la carapace durant l'incubation. Et au dessus de 34° les oeufs cuisent et les embryons meurent dans l'oeuf.
La méthode est simple pour assurer une bonne température d'incubation : pendant les 12 heures du jour (de 8 heures à 20 heures) on met la température de 29à33° (on va voir ci-dessous pourquoi je parle de deux températures et non d'une seule). Et pendant les 12 heures de la nuit (de 20 heures à 8 heures), on coupe toute alimentation électrique pour laisser descendre la température entre 17 et 23°.
La température dite "critique" pour le choix du sexe des bébés
Si la température diurne (c'est à dire "de jour") reste au-dessous de 32° on aura plutôt beaucoup de mâles, et au-dessus de 32° on aura plutôt beaucoup de femelles. Cette température "charnière" en mâles et femelles porte le nom de "température critique".
Cette température charnière n'est pas la même d'une espèce à une autre. Chez les tortues aquatiques elle est plutôt autour de 28 à 29°.
Le sexe est déterminé au cours du 2ième tiers d'incubation.
L'incubateur
Personnellement j'utilise un incubateur Jaeger FB50, mais il n'est pas nécessaire de dépenser une fortune dans des incubateurs du commerce. Il est très facile de fabriquer son incubateur à moindre frais et pour un succès tout à fai équivalent, et même certainement meilleur d'année en année au dur et à mesure que vous l'adaptez à vos conditions environnantes.
Emplacement de l'incubateur
L'incubateur doit être éloigné de toute source de chaleur externe (soleil, radiateur, etc.) Un bon emplacement est un sous-sol, une cave éclairée par un soupirail, un garage intérieur, un cellier... Mais pas une serre, ni un rebord de fenêtre, ni une remise de jardin en plein soleil, ni à proximité de la gazinière d'une cuisine...
Voyons d'abord la méthode du bain-marie
Dans un grand aquarium d'environ 60 cm à 1 m de long vous disposez deux ou trois briques dans le fond. Sur ces briques vous posez une grande boîte de cuisine en plastique. Puis vous versez de l'eau dans le fond de l'aquarium jusqu'à ce que les briques soient entièrement recouvertes et que l'eau touche le fond de la boîte en plastique.
Dans le fond de la boîte, vous placez plusieurs boîtes de cuisine plus petites (genre Tupperware ou Curver par exemple), dans lesquelles vous étalez 5 cm de terreau à cactus, ou bien 5 cm de mélange de 2/3 de tourbe et de 1/3 de sable, ou bien 5 cm de vermiculite gros calibre moyennement humidifiée. Ces boîtes sont percées d'une douzaine de petits trous sur les côtés et 5 à 6 trous sur les couvercles. Si vous avez plusieurs pontes, chaque ponte ira dans une boîte différente, afin de différencier les mères et les pontes. Il ne faut surtout pas mélanger les oeufs des différentes pontes. Avec trois ou quatre boîtes vous êtes parée pour l'année. Mettez aussi une boîte supplémentaire qui sera préparée de la même façon mais dans laquelle vous ne mettrez pas d'oeufs (on verra pourquoi plus loin). Dans chaque boîte, chaque oeuf est séparé de ses voisins par une distance d'au moins 4 cm.
Placez un grand couvercle sur l'aquarium. Ce couvercle doit être légèrement incliné pour être 1 à 2 cm plus haut à une extrémité. Ainsi la condensation sous le couvercle, due à l'évaporation, va s'écouler le long du couvercle pour descendre et retomber à l'extrémité la plus basse, évitant ainsi de pourrir les oeufs.
L'eau de l'aquarium devra être chauffée le jour par une résistance d'aquariophilie, et la résistance sera éteinte la nuit. A l'intérieur d'une des petites boîtes (une boîte non utilisée mais équipée comme s'il y avait des oeufs) un thermomètre devra indiquer 30° à 33° le jour, et entre 17 et 23° la nuit, et un hygromètre devra indiquer environ 50 à 70%. Ainsi, grâce à cette boîte supplémentaire, vous n'ouvrirez pas les boîtes contenant des oeufs mais vous pourrez contrôler à loisir la température et l'hygrométrie nécessairement identiques dans toutes les autres boîtes. Si la température est trop importante coupez le courant une heure ou deux, ou mieux : achetez un petit thermostat. Si l'hygrométrie est trop importante, entrouvrez le grand couvercle de l'aquarium du côté où il est déjà le plus haut.
Voyons maintenant la méthode de l'ampoule chauffante
Je trouve cette méthode infiniment plus proche des conditions naturelles.
Vous prenez un bac de verre ou de plastique ou un petit aquarium d'environ 50/60 cm de large x 40/50 cm de long x 40/60 cm de haut (pour une seule ponte j'ai vu d'excellents incubateurs faits dans des marmites ou des très grands saladiers). Vous étalez dans le fond un mélange fait de 2/3 de tourbe et un 1/3 de sable (bien mélangés) ou 2/3 de terreau et 1/3 de sphaigne moyennement humidifiée ou bien un substrat fait entièrement de vermiculite de gros calibre moyennement humidifiée. Vous enterrez les oeufs de sorte que leur milieu soit à environ 6 à 7 cm de profondeur sous la surface. Attention à ne pas les retourner durant le transport entre le nid et l'incubateur ! Pour le transport j'indique la méthode classique plus bas. Puis vous déposez un thermomètre à la surface du substrat mais pas directement sous l'ampoule. Placez un hygromètre à côté du thermomètre. Dans un coin de la boîte vous mettez un petit bol plein d'eau, ou une grande tasse.
Vous mettez un couvercle auquel vous aurez fixé une petite ampoule de spot (40 ou 60 watts), l'ampoule étant bien entendu dirigée vers l'intérieur de la boîte. Plus l'ampoule est placée haute, plus la température sera répartie de façon homogène dans l'incubateur. Il faudra donc choisir la puissance de l'ampoule en fonction de sa hauteur et du volume d'air de l'incubateur pour que la température soit celle désirée. Astuce : percez un trou dans le couvercle plutôt que de visser la douille, ainsi vous pourrez monter ou descendre l'ampoule en relevant ou relâchant un peu de fil électrique depuis l'extérieur. Pour l'aération, le couvercle est percé de nombreux petits trous faits à la perceuse. Ou bien vous laissez un espace d'1 cm d'un côté de la boîte entre le couvercle et la boîte (avec une vulgaire petite cale).
Nota : bien entendu on ne met pas de néon UV dans un incubateur. C'est inutile.
L'hygromètre ne devra jamais descendre au-dessous de 40% et ne devra jamais monter au-dessus de 70%. La valeur idéale étant entre 50 à 60%. Si l'hygrométrie est trop basse, humidifiez légèrement le substrat avec un vaporisateur de jardin. Si l'hygrométrie est trop élevée, entrouvrez le couvercle pendant une heure ou deux.
Si vous n'avez pas d'hygromètre (pourtant cela ne coûte pas cher chez un animalier ou chez un caviste à vin) utilisez du papier toilette. Vous mettez une feuille à plat sur le substrat. Si vous découvrez que la feuille devient humide, l'hygrométrie est excessive.
Effets d'une hygrométrie mal maîtrisée
Si durant l'incubation des oeufs flétrissent et semblent se "dégonfler", augmentez l'hygrométrie.
Si au contraire vous découvrez qu'un oeuf est fêlé, au lieu d'ouvrir et de risquer de perdre un oeuf qui était malgré tout viable tracez un trait cicatriciel épais sur la fêlure avec de la craie blanche d'écolier (de la vieille craie pas les craies modernes !!!) L'ancienne craie blanche des écoliers c'est du carbonate de calcium (CaCO3) et c'est exactement la matière de la coquille des oeufs de tortues ! La coquille des oeufs de tortues est cristallisée en aragonite. Et l'aragonite devient de la calcite (de la craie) à température ambiante. Donc c'est le matériau idéal pour cicatriser un oeuf de tortue fêlé.
En l'absence de vieille craie, allez à la pharmacie chercher du carbonate de calcium. A défaut, si la pharmacie est fermée (un dimanche par exemple), utilisez une craie moderne (toujours d'écolier). Ces nouvelles craies sont faites en sulfate de calcium, CaSO4. On s'écarte donc du matériau idéal, mais c'est mieux que rien.
Bien entendu, veillez à ne pas retourner l'oeuf au moment de le soigner !
Les oeufs fêlés étant dus à une humidité excessive, diminuez l'hygrométrie.
En revanche un oeuf qui a gonflé a certainement commencé à fermenter. Il faut impérativement le retirer de l'incubateur !
Durée d'incubation des Testudo
Comptez 70 à 100 jours d'incubation. Plus l'incubation est lente plus elle est réussie. La durée de l'incubation peut aussi être liée au ratio mâles/femelles de la ponte. Une idée déjà émise mais à creuser et à étudier ensemble pour obtenir de vraies statistiques...
Pour déplacer des oeufs ou les changer de substrat
Quelle que soit la méthode utilisée si vous devez déplacer les oeufs ou si vous devez les changer de substrat, commencez d'abord par dessiner une petite croix sur le sommet de la partie visible. Utilisez un crayon très gras (2B ou 4B par exemple) pour ne pas abîmer la coquille par une pointe trop dure. Et évitez les stylos et les feutres en raison des produits chimiques qui vont traverser l'épaisseur de la coquille. Ce marquage est indispensable car si à un moment ou un autre on retourne un oeuf de tortue (même quelques secondes), l'embryon meurt à l'intérieur, cet embryon n'étant pas lié au blanc d'oeuf par une chalaze (comme c'est le cas chez les oiseaux). Notez que dans les 24 heures qui suivent la ponte ce danger de mort par retournement ne se présente pas encore.
Entretien des oeufs
Par ailleurs il ne faut jamais laver un oeuf de tortue, car la coquille est recouverte d'une fine sécrétion produite par la mère au moment de la ponte et qui semble faire office d'antibiotique naturel. C'est d'ailleurs également le cas avec les oeufs de poule qu'on garde au frigo. On constate que la plupart des industriels lavent les oeufs de poule avant de les mettre en vente : c'est une hérésie car on enlève ainsi la protection antibactérienne qui isole l'intérieur de l'oeuf des attaques de salmonelles venant de l'extérieur. Malheureusement on observe cette mauvaise habitude même chez des vendeurs d'oeufs bios !
Aspect des oeufs
Au bout de quelques semaines les oeufs doivent prendre une couleur blanche. Un oeuf qui reste rosâtre n'est pas fécondé et il faut le retirer de l'incubateur car la nécrose risque de contaminer les autres oeufs.
Je ne conseille pas la méthode du mirage. Cette méthode oblige à manipuler les oeufs, donc à prendre des risques. Par ailleurs sans expérience éprouvée de l'éleveur son efficacité n'est pas vraiment probante, même si elle repose sur un principe parfaitement logique. De plus je persiste à penser que la découverte in fine du résultat est bien plus intéressante pour l'éleveur, qu'il soit amateur ou expert.
Eclosion
Dans les heures qui précèdent l'éclosion d'un oeuf on observe souvent une bosse, comme une "hernie" d'un côté de la coquille. C'est le signe que le bébé commence son travail d'ouverture de la coquille.
Lorsque les oeufs éclosent, ne les aidez surtout pas ! Attendez que la nature se fasse. Cela peut parfois mettre plus de deux ou trois jours entre les premières fissures et la sortie complète du bébé. Pendant ce temps, le bébé se nourrit de son sac vitellin qui ainsi commence à se résorber.
Les bébés ne naissent pas tous en même temps. Il peut s'écouler une semaine voire une dizaine de jours entre la première naissance et la dernière d'une même ponte.
La dent
Cette petite dent blanche au bout du rostre supérieur surprend à juste titre beaucoup de débutants. Elle n'a qu'une seule utilité : rompre la coquille depuis l'intérieur avant l'éclosion.
Sans cette petite dent calcifiée, la rupture de la coquille serait quasiment impossible pour la plupart des reptiles. Les oiseaux, étant munis d'un vrai bec, n'en ont bien entendu pas besoin.
On y voit là un trait de l'évolution : la fonction crée l'organe. Et en l'occurrence cet organe n'ayant une fonction que brève, il est amené à disparaître dès qu'il n'a plus son utilité. Et c'est le cas. Dans les jours qui suivent l'éclosion, la petite "dent" disparaît, érodée par les végétaux coupés ou par les minéraux de calcite (les pierres) auxquels s'attaque le bébé tortue lors de la découverte de son environnement.
Le sac vitellin
Ce sac vitellin, sorte de poche qui se trouve sous le plastron des nouveaux-nés, contient tous les éléments nutritifs de l'embryon arrivant à terme. Dans les jours qui précèdent l'éclosion, ce sac vitellin est la seule nourriture du bébé tortue prêt à éclore. Son rôle est un peu équivalent au placenta du foetus des mammifères. Il se résorbe de lui-même dans les heures ou les jours qui suivent l'éclosion, le bébé se nourrissant de son contenu. Lorsque le sac est complètement résorbé, le plastron se referme laissant une légère cicatrice qui va très vite disparaître.
Si un bébé sort avec le sac vitellin non résorbé et encore très gros, c'est que l'éclosion a été en général trop rapide, ou que le bébé tortue est peu viable. Là encore j'aimerais recueillir des données pour établir des statistiques sur les résultats des méthodes d'incubation artificielle et sur l'efficacité des méthodes d'élevage en captivité. Quand un sac vitellin n'est pas assez résorbé, on utilise une toute petite tasse à café. Il faut désinfecter ce récipient avec de l'hexomedine ou de la chlorexidine (pas de bétadine pour cette utilisation !). On bourre ensuite le fond de gaze (éviter le coton) qu'on imbibe de sérum physiologique pour bébés. On fait un petit puits étroit au milieu (avec un petit ustensile lui aussi désinfecté), on remplit le puits de sérum physiologique, et on place la tortue sur cette gaze de sorte que le sac vitellin soit bien au centre dans le puits formé au milieu de la gaze. La tortue repose de façon stable sur les bords du puits. La tasse est alors replacée, avec la tortue dedans, dans l'incubateur, pendant quelques jours, le temps que le sac vitellin soit résorbé. Et si la tasse est étroite on la maintient pour éviter qu'elle ne se renverse.
L'alimentation du nouveau-né
Un conseil : pour tous les bébés tortues qui viennent de naître, concassez leur coquille en grains grossiers (pas en poudre fine) et laissez-les se nourrir avec durant les premiers jours. Notez que les bébés qui sont déjà vigoureux à leur naissance n'ont pas besoin que leur coquille soit concassée. Ils la cassent d'eux-mêmes. Ne retirez jamais les coquilles avant de retirer les bébés pour les placer en terrarium. Ces coquilles contiennent des éléments minéraux très utiles au développement de ces bébés.
Ensuite leur première nourriture sera faite de petits fragments de pissenlit et de trèfle et/ou de pimprenelle, assortis de quelques pétales de rose (non traités), d'hibiscus (non traités), ou de souci ou de pâquerette. Et très rapidement leur nourriture ne devra plus être prédécoupée. Dans la majorité des cas, les tortues sont assez résistantes dès leur naissance pour couper d'elles-mêmes les feuilles présentées. On prendra soin bien entendu de leur présenter des feuilles végétales plutôt jeunes
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